• 13 septembre 2025

    Typographie et charte graphique : les pièges à éviter pour une identité visuelle solide

La typographie, cheville ouvrière de la perception de marque

Impossible de parler d’identité graphique sans évoquer la typographie. Bien plus qu’un simple vêtement pour les mots, elle façonne l’ensemble de l’expérience visuelle offerte par une marque. Entre l’impact psychologique des polices et la lisibilité sur tous les supports, chaque détail typographique joue un rôle-clé. Pourtant, 82 % des PME établissent leur charte graphique avec trop peu de réflexion sur la typographie, selon une étude de Canva 2023 (Canva).

Créer une charte graphique cohérente nécessite rigueur et anticipation face aux pièges typographiques courants. Quelques erreurs fréquentes, parfois anodines en apparence, peuvent gravement saboter la crédibilité et l’impact d’une communication. Les éviter suppose d’allier créativité, maîtrise des usages et connaissance des tendances.

Première erreur critique : le mauvais choix de police

1. Surestimer l’originalité au détriment de la lisibilité

La tentation d’utiliser une police très originale pour singulariser la marque est grande. Mais une typographie trop singulière peut vite virer à l’illisible. Selon le Nielsen Norman Group (NNG), la lisibilité conditionne l’accessibilité des messages pour 74 % des visiteurs. Cela vaut pour tous les canaux : web, print, réseaux sociaux.

  • Polices manuscrites : utiles pour poser une ambiance, mais souvent difficiles à lire à petite taille ou sur écran.
  • Polices ultra-stylisées : à réserver à des usages ponctuels (titres, slogans), jamais pour le corps de texte.

Privilégier l’équilibre entre personnalité de la police et simplicité de lecture : c’est la clef d’une charte graphique professionnelle.

2. Oublier le nombre optimal de familles de polices

Utiliser trop de styles différents engendre cacophonie visuelle. Adobe recommande de limiter à 2 ou 3 familles typographiques maximum pour garantir cohérence et hiérarchie (Adobe). Surcharger une charte finit par desservir l’identité graphique.

  • Combiner une police pour les titres, une pour le corps de texte, éventuellement une pour les accentuations.
  • Conserver des contrastes marqués entre chaque rôle (ex : serif pour le principal, sans-serif pour l’autre), sans tomber dans la redite.

Erreur n°2 : ignorer la hiérarchie typographique

Un autre danger consiste à négliger la structuration des niveaux de texte. La hiérarchie typographique (titres, sous-titres, paragraphes, citations…) est le premier repère de lecture pour 67% des internautes (étude Eye Tracking - UX Planet 2022). Sans règle claire, tout message perd en impact.

Quelques principes fondamentaux :
  • Établir des tailles et graisses distinctes pour chaque niveau
  • Tester la hiérarchie sur différents supports (mobile, affiches, flyers, réseaux…)
  • Privilégier des marges et interlignages adaptés pour chaque usage
  • Prévoir les cas particuliers (ex : sous-titres longs, citations, tableaux…)

Un système hiérarchique mal pensé désoriente le lecteur. À l’inverse, une structure solide permet de faire émerger les contenus essentiels et de clarifier le message.

Erreur n°3 : mal maîtriser l’interlettrage, l’interlignage et l’alignement

La micro-typographie, trop souvent négligée, affecte la cohésion visuelle de l’ensemble. Selon l’étude “Readability and Comprehension” publiée par Scientific American (2021), des réglages peu précis entraînent une baisse de 23% de la vitesse de lecture et une mémorisation réduite du contenu.

  • L’interlettrage (tracking) trop serré ou trop lâche crée des “trous” ou une sensation d’étouffement.
  • L’interlignage (leading) inadapté rend le texte pénible à suivre, surtout sur mobile.
  • L’alignement mal choisi (centré systématiquement, par exemple) fatigue et casse le rythme visuel.

Des outils comme Figma ou InDesign intègrent désormais des guidelines prédéfinies pour améliorer la lecture sur écran ou papier. Tester systématiquement la typographie sur des blocs de textes longs est essentiel.

Erreur n°4 : négliger la gestion des accents, caractères spéciaux et glyphes

Choisir une police internationale sans vérifier la présence des caractères accentués français ou des glyphes spécifiques ? Cela reste l’un des écueils les plus récurrents, notamment lors du recours à des polices gratuites ou exotiques.

Un rapport de Typewolf (Typewolf) rappelle que près d’une police gratuite sur trois ne prend pas en charge les accents français usuels. Cela peut rendre un nom de marque, un slogan, ou un titre… tout simplement incorrect !

  • Vérifier que chaque police incluse dans la charte couvre bien toutes les langues et usages prévus
  • Prendre en compte les symboles monétaires, les signes de ponctuation, les guillemets français (« »), etc.
  • Privilégier les polices OpenType complètes pour garantir la pérennité visuelle

Erreur n°5 : ignorer les enjeux d’accessibilité numérique

L’accessibilité n’est pas qu’une contrainte technique, elle conditionne l’inclusivité même d’une marque. Le contraste entre la typo et le fond, la taille minimale assurant la lisibilité et l’utilisation d’une police facilement décodable sont essentiels.

  • Respecter les recommandations WCAG 2.1 (AA au minimum) sur le taux de contraste (ex. ratio de 4,5:1 entre le texte et son fond pour les paragraphes principaux)
  • Éviter les jeux de couleurs trop subtils qui mettent en difficulté les personnes avec déficience visuelle ou daltonisme
  • Proscrire les polices fantaisie pour les contenus essentiels

Le Ministère de l'Économie recommande, par exemple, une taille de caractère minimale de 16px sur le web pour garantir la lisibilité à toutes et tous (Bercy Infos).

Anticiper ces aspects dès la charte, c’est ouvrir sa communication à toutes les clientèles potentielles tout en évitant des coûts de refonte ultérieurs.

Erreur n°6 : oublier l’adaptabilité sur tous les supports et contextes

La charte graphique n’est pas figée dans une vitrine. Chaque média – print, web, application mobile, affichage dynamique – impose ses exigences d’affichage. Une police superbe sur catalogue peut perdre tout son intérêt (voire devenir illisible) sur mobile, où elle sera affichée en 10 ou 12px.

Quelques exemples concrets :

  • Impression : attention au rendu des graisses fines, qui peuvent s’effacer au tirage, surtout sur papier bas de gamme.
  • Web : toutes les polices ne sont pas “web safe” ou disponibles via Google Fonts.
  • Signalétique/affichage : la distance de lecture impose des tailles et des contrastes démultipliés.

Pour une charte robuste, documenter très précisément les usages typographiques attendus par support, et réaliser des tests en situation réelle.

Erreur n°7 : utiliser des polices non libres de droits ou sans licence claire

La tentation de choisir une police au design pointu, trouvée “gratuitement” sur un site obscur, peut coûter cher en cas d’utilisation commerciale. Adobe alerte que plus de 40% des chartes graphiques récentes recensent au moins une police litigieuse ou mal documentée.

  • Vérifier systématiquement les droits d’utilisation (commercial, personnel, nombre de postes, web, print…)
  • Préférer des plateformes de référence (Google Fonts, Adobe Fonts, Font Squirrel…)
  • Archiver dans la charte la preuve d’achat ou l’accord de licence pour chaque famille retenue

Recourir à des polices sous licence appropriée est une assurance contre les litiges et un gage de professionnalisme.

Erreur n°8 : faire abstraction de la culture et des conventions du secteur

La typographie porte aussi une dimension culturelle et sectorielle forte. Une police “sérieuse” dans le luxe peut sembler froide dans l’alimentation, une typo “enfantine” peut ruiner la crédibilité d’un cabinet juridique. Des tests utilisateurs (Focus Group, tri de cartes…) permettent de recueillir des impressions sur les associations mentales qu’entraîne un style typographique donné.

  • Analyser la concurrence, les tendances propres au secteur (cf. “Type Trends Report” - Monotype 2023)
  • Identifier les archétypes de polices (ex : “Didone” pour le luxe, “Grotesk” pour le numérique…)
  • Adopter une nuance propre à la marque tout en respectant le référentiel du secteur

L’unicité visuelle doit toujours dialoguer avec les attentes implicites de la cible.

Pour aller plus loin : bonnes pratiques et ressources

  • Utiliser des outils d’audit typographique, comme Typewolf ou Fontpair, pour confronter ses choix
  • Consulter les guidelines de grandes marques pour s’inspirer de systèmes éprouvés (Spotify, Airbnb, IBM offrent leurs chartes en accès libre)
  • Se former en continu aux dernières normes d’accessibilité (manuels WCAG, tutoriels Google Fonts…)
  • Impliquer les utilisateurs finaux lors de la définition des hiérarchies typographiques grâce à des tests UX/ UI

Trouver son équilibre, renforcer sa singularité

Aujourd’hui, la typographie se nourrit à la fois de tradition et d’innovation : variable fonts, adaptabilité, consciences éthiques… Les chartes graphiques ne sont plus de simples recueils esthétiques, mais de véritables socles de la stratégie de marque.

En anticipant les erreurs typographiques fondamentales, toute entreprise peut gagner en clarté, en autorité et en impact. La force d’une identité graphique se niche dans les détails autant que dans la vision d’ensemble : accorder en amont le soin requis à ses choix typographiques, c’est déjà préparer chaque message à résonner pleinement auprès de son public.

Pour explorer de nouvelles manières de sublimer votre charte ou de challenger ses fondations, n’hésitez pas à consulter des ressources spécialisées ou à confronter vos usages avec ceux des meilleurs studios – la typographie mérite à chaque étape une vigilance active… et une ouverture créative infinie.

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